Philémont a écrit:1Q84 est un roman à deux voix, auxquelles une troisième se joindra dans la dernière partie. Il y a celle d'Aomamé, tueuse à gages à la solde d'une vieille dame qui veut punir de mort les auteurs de violences faites aux femmes. Il y a celle de Tengo, professeur de mathématiques rêvant de devenir écrivain. Les deux se sont connus subrepticement quand ils avaient 10 ans, il y a 20 ans, et sont restés depuis amoureux l'un de l'autre sans jamais se revoir pour autant. Mais en cette année 1984 d'étranges évènements vont peu à peu les rapprocher, et ce dans un espace-temps parallèle qu'Aomamé nomme 1Q84...
Hommage avoué dans le fil du récit au célèbre roman de George ORWELL, celui de MURAKAMI relève plus du fantastique diffus et onirique que de la science fiction. Mais les contrées imaginaires dans lesquelles il entraîne ses personnages et ses lecteurs n'en menacent pas moins l'équilibre du monde réel, lequel est évoqué par le biais de la vie simple et réaliste des deux principaux protagonistes. L'histoire contemporaine du Japon est aussi évoquée par le biais des évènements marquants de la première moitié du XXème siècle (la colonisation de la Mandchourie et de la Mongolie), ou plus récents (les agissements criminels de la secte Aum).
Roman fantastique, historique et sociologique, 1Q84 est en fait une véritable réflexion sur la société contemporaine. Par le biais de thèmes universels comme les liens familiaux, l'amour, la vie et la mort, Haruki MURAKAMI aborde des sujets bien connus au-delà des seules frontières du Japon. C'est celui de la peur de l'autre et de la solitude ; c'est aussi celui de la quête de spiritualité et de la frontière mouvante entre le bien et le mal. Ainsi, si l'on voulait résumer le sujet du roman en une seule question cela pourrait être celle-ci : la défense du bien (ses croyances) justifie-t-elle les moyens (l'extrémisme) ?
Comme d'habitude avec MURAKAMI, l'écriture est très belle et le rythme lent. Comme d'habitude également, le lecteur se laisse emporter sans ennui dans le récit. Mais cette fois-ci on pourra aussi regretter la longueur particulière du roman, sensation accentuée par le découpage en trois tomes totalement artificiel. On ne saurait donc que conseiller de lire les trois volumes en une seule fois, tout en restant conscient qu'il ne s'agit pas là de l'oeuvre la plus percutante de l'auteur.
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